Collection Mahy: la 'Réserve'

Une vaste rangée de halls d’usine dans un paysage vallonné du Hainaut. Ici, on ne produit plus rien sauf de l’histoire. Ici flotte l’odeur mordante de rouille et d’huile moteur. Dans le tournoiement de poussière se trouvent alignées des centaines de voitures, pare-chocs contre pare-chocs, garde-boue contre garde-boue. Certaines crânement appuyées sur de petits poteaux d’étayage, la plupart affaissées sur des pneus fatigués. Bolides légendaires, voitures familiales ordinaires, grosses cylindrées fringantes, modèles oubliés, chacun(e) témoignant de sa propre histoire.

Une exposition de voitures uniques, de superbes photos et un livre luxueux illuminent cette procession silencieuse d’uniques old- et youngtimers. À la fois à contre-jour et sous les projecteurs. Accompagnées des histoires gravées dans leurs rétroviseurs. Des histoires de gloire et de défaite, d’audace et de nostalgie, de parcours hasardeux sur de mauvaises routes et d’une quête jamais achevée de la beauté sur quatre roues.

Quelques exemples d’histoires… à découvrir pendant l’exposition…

ASTON MARTIN DB2 DROPHEAD

Jadis bolide reluisant aux mains d’un jeune roi, l’Aston Martin DB2 a aujourd’hui l’air triste et maussade : un rouge délavé sans vie, sans ses phares, sans sa calandre altière, étranglée par un banal câble de remorque. Ivan Mahy a acheté cette Britannique accidentée il y a cinquante ans. Mais quelque chose cloche pour le numéro de série et le capot stylisé abrite un moteur et une boîte de vitesses de Triumph. Dommage pour le collectionneur, mais une chance pour le conducteur, car le moteur 6 cylindres flambant neuf d’Aston Martin a eu une mauvaise réputation à l’époque. Il est vrai que la marque britannique ne fait pas encore un tel objet de désir : James Bond et sa DB 5 argentée avec siège éjectable ne sont pas encore des héros de grand écran. La carte grise du cabriolet met Mahy sur la piste du Palais royal à Bruxelles. Après même pas deux ans sur le trône, le roi Baudouin qui adorait les voitures rapides, a acheté cette voiture de sport au Salon de l’Auto au Heysel à Bruxelles en 1953. C’est un des 411 exemplaires seulement qu’Aston Martin a construits de ce modèle, dont 102 cabriolets. Cependant, le souverain a rarement conduit ce bolide, car pour un roi, il n’est évident de faire, ni vu ni connu, la course en cabriolet sur les routes belges. L’Aston Martin est donc vendue et le nouveau propriétaire la conduit à sa ‘perte totale’. Le capot du moteur et les ailes avant ont été complètement arrachés du châssis et la voiture de sport royale se retrouve donc un jour sur un terrain boueux à Gembloux. Quant au roi Baudouin, il s’est acheté une nouvelle Aston Martin en 1955, cette fois une DB2/4 couverte.

DELAHAYE 135 MS - GHIA-AIGLE

Au Salon de Genève en 1948 se trouve exposée une Delahaye 135 MS époustouflante, un cabriolet avec une carrosserie créée chez Ghia à Turin et exécutée par Ghia-Aigle dans le Valais. Un an plus tard, la filiale suisse réalise une version coupé d’après le même dessin du maître styliste Mario Boano. Ayant accumulé quelques années d’expérience chez Pininfarina, Boano rachète en 1944 l’entreprise de son ami Giacinto Ghia. Plus tard, il dessinera aussi les célèbres modèles sportifs comme la Karmann Ghia et la Ferrari 250 GT. Sa Delahaye coupé est entrée dans les annales comme un des plus beaux joyaux de l’histoire de l’automobile. Le shah d’Iran a commandé un deuxième exemplaire du coupé que Ghia construisait à Turin. Mais la Delahaye cabriolet bleu roi du Salon de Genève est si possible encore plus gracieuse et littéralement unique. La voiture a les mêmes roues partiellement cachées et pourtant, pas de soucis en cas de crevaison car les garde-boues arrondis se soulèvent par une simple pression sur une poignée. Et par une pression tout aussi simple sur un bouton, la pièce couvrante derrière les sièges avant bascule, découvrant deux places assises supplémentaires. Ce superbe cabriolet a disparu sans laisser de traces. Pour les amateurs d’automobiles, cette Ghia est un fantôme légendaire. Un sommet d’élégance et d’ingéniosité, probablement réduit en ferraille sans valeur. Pourtant, la Delahaye 135 MS Ghia-Aigle cabriolet se trouve tout simplement à Leuze-en-Hainaut. Mais presque personne n’est au courant. Avant de déménager à Leuze, ce cabriolet se mourait dans un hall d’usine au Koningsdal à Gand où un jour, une bande de vauriens ont pénétré par effraction et se sont mis à courir sur les voitures, brisant en passant les phares et les miroirs… notamment de la plus gracieuse de toutes les voitures, qui n’existe en fait plus.

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